Mes lectures

Les choses humaines, de Karine Tuil

Je viens de terminer Les choses humaines de Karine Tuil (Prix Interallié et Prix Goncourt des lycéens 2019). Depuis deux ans grâce à #Metoo et #Balancetonporc, je ne cesse d’élargir ma zone de réflexion. Je constate à quel point je suis moi-même pétrie par la culture patriarcale et que, malgré moi, malgré ma conscientisation, j’en suis parfois le véhicule. Comment parfois je suis capable de me mettre dans la peau d’une femme qui fait ce qu’elle croit que la société attend d’elle. Il y a peu, je croyais que la zone grise existait… Aujourd’hui, je vois les choses avec une clarté nouvelle. L’avons-nous créée ? N’est-elle pas une construction intellectuelle visant au dédouanement ?

En exprimant ma pensée, j’ai peur de trahir ces femmes courageuses et réfléchies qui témoignent, débattent, avancent. Ne devrais-je pas être spontanément convaincue de l’oppression patriarcale ? La libération est un long cheminement. Déconstruire est un processus ardu ponctué de pas en avant et de pas en arrière.

Quand j’observe ma fille de 6 ans et mon garçon de 4 ans, je me demande à quel moment de sa vie ma fille intègrera-t-elle qu’il est normal, dans notre société, qu’elle reçoive des commentaires sur son physique, qu’elle se sente obligée d’accepter une invitation à dîner de peur de se voir écarter d’une vie professionnelle qui lui plaît, qu’elle n’ose pas dire non. À quel moment acceptera-t-elle d’en rire, d’en minimiser les actes et leurs sens, de jouer la détachée ? Et à quel moment mon garçon de 4 ans pensera qu’il est normal de commenter et de posséder le corps d’une copine ou d’une collègue ? Quand comprendra-t-il qu’il est détenteur d’un pouvoir non-dit, rampant, sournois, qui s’infiltre dans toutes les sphères de la vie ?

En tant que mère de ces deux enfants, je dis JAMAIS. Mais ma seule volonté – et celle de leur père – sera dérisoire face à une culture du patriarcat. C’est alors nous tous, en tant qu’adultes, femmes et hommes, que nous devons regarder notre société et que collectivement nous devons nous saisir de cette culture et nous en défaire pour choisir celle qui sera humaniste et respectueuse de toutes et de tous. C’est une réponse collective qui nous appartient à chacun, tous les jours dans nos foyers, à l’extérieur, au travail. C’est à nous, les adultes, de nous retrousser les manches pour dire JAMAIS et que nos filles et nos garçons découvrent la vie avec de nouveaux paradigmes.

6 réflexions au sujet de “Les choses humaines, de Karine Tuil”

    1. Oui Julia, j’ai aimé ce roman et je crois que ce que j’ai préféré finalement, c’est qu’il me fasse réfléchir et qu’il me pousse encore plus loin sur mon cheminement féministe. Je l’ai lu en deux après-midi. Il est composé de deux parties : la première met en place les personnages, le contexte, le viol et la deuxième partie est consacrée au procès. J’ai trouvé les personnages peu attachants, que ce soit l’agressée ou l’agresseur. Il faut dire que pour ce dernier, l’univers social doit lequel il évolue ne pousse pas à la sympathie : pouvoir politique et médiatique des élites… Il m’a semblé que Karine Tuil mettait beaucoup de distance et adoptait un ton froid pour nous raconter l’histoire. J’ai lu qu’elle avait passé beaucoup de temps au tribunal pour écouter des procès d’agressions sexuelles.
      Donc en résumé, j’ai aimé ce livre pour le sujet qu’il aborde, parce que c’est nécessaire qu’on en parle, qu’on déconstruise et qu’on reconstruise.
      Tu me diras si tu as aimé 🙂

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      1. Oui j’avais écouté l’épisode du Temps des écrivains où elle était invitée et elle racontait qu’en effet, elle avait beaucoup passé de temps au tribunal pour ce livre. Je n’ai pas encore mis la main dessus (ma technique, c’est d’attendre de trouver les livres en bouquinerie 😉 ) mais quand je l’aurai lu, je te dirais ce que j’en pense. Je n’ai rien lu d’elle encore, et j’ai aussi L’invention de nos vies qui m’attend dans ma bibliothèque.

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  1. Je viens de finir le livre. Et j’ai beaucoup aimé. Je trouve que l’autrice a vraiment réussi à composer un texte fort et juste à partir de problématiques très contemporaines et donc une matière un peu « casse-gueule » forcément. Ce sont des sujets qui m’intéressent particulièrement donc j’avais peut-être un biais positif, mais j’ai aussi beaucoup aimé sa plume que j’ai découvert et qui m’a donné envie de lire ses autres livres. J’ai ressenti moins de froideur vis-à-vis de ses personnages que toi, du moins envers la famille Farel, qui ont beaucoup de raison d’être détestables, le père et le fils en fait, et que je n’ai pas détestés. Merci encore pour le prêt 🙂

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