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En attendant Eden, de Elliot Ackerman : le choix des vivants

Quel roman puissant ! J’ai été bouleversée par la lecture de En attendant Eden et l’histoire de Mary. Épouse d’un militaire engagé dans la guerre en Irak, Mary a passé les trois dernières années à veiller Eden au Centre des grands brûlés de San Antonio. Ou plutôt ce qu’il reste d’Eden, amputé des deux jambes et à l’activité cérébrale déficiente. Mary a même confié leur petite fille à sa mère pour se consacrer uniquement à Eden. Quand la famille de son mari propose de le débrancher, elle refuse et les proches s’en vont, la laissant seule à veiller jour après jour, nuit après nuit.

La force du roman vient également du fait que l’histoire est racontée par un ami d’Eden qui, lui, a péri lorsque la mine a fait sauter leur voiture. En tant qu’observateur, il nous décrit, avec douceur et sans jugement, les actes et les gestes de Mary. Puis, peu à peu, on comprend que l’observateur est l’acteur de bien des drames. Des voiles sont levés et des vérités énoncées. En attendant Eden nous parle d’amour, d’amitié, de désespoir, de loyauté.

Puis un jour, alors que Mary pour une fois très occasionnelle est loin du chevet de son mari, Eden envoie des signaux de vie. Mais que peuvent percevoir les vivants face à ce corps qui semble pris de convulsions ? Et Gabe, l’infirmier de garde durant les fêtes de Noël, un homme durci par les horreurs qu’il a vu sur le corps des hommes, comprend.

Il avait besoin d’être entendu, et dans ce désespoir, il sentait une liberté qu’il n’avait pas connue depuis la mine, la liberté d’un but. Mon Dieu faites qu’ils comprennent que je suis là faites qu’ils comprennent que je veux que ça cesse faites qu’ils comprennent faites qu’ils comprennent je vous en supplie mon Dieu

Alors Mary est confrontée à un choix, et je n’en dis pas plus pour ne rien dévoiler de l’intrigue.

En attendant Eden m’a fait beaucoup penser au film Johnny s’en va-t-en guerre (Johnny Got His Gun) de Dalton Trumbo sorti en 1971 (adaptation cinématographique du roman éponyme de 1939), dans lequel le héros, un jeune homme engagé volontaire revient de la Première guerre mondiale avec de telles blessures qu’il est amputé des quatre membres et son visage est un trou béant. En attendant Eden pose avec délicatesse la question de l’acharnement thérapeutique et de la fin de vie, qui demeure le choix des vivants.

Un roman court, poignant et qui remue les tripes. Une lecture à ne pas manquer !

En attendant Eden, de Elliot Ackerman, Gallmeister, 2019 (traduction de l’américain par Jacques Mailhos).

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