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Une fille de passage, de Cécile Balavoine

Que de subtilité dans cette autofiction dans laquelle l’auteure met en scène sa rencontre et sa relation avec Serge Doubrovsky, professeur de littérature, écrivain, essayiste, critique, bien connu du monde littéraire et intellectuel. L’écriture est belle et les sentiments sont doux. Cécile rencontre Serge sur les bancs de l’université de New York, elle l’étudiante, lui le professeur réputé. Avec deux amis, elle sous-loue son appartement durant l’année où Serge Doubrovsky enseigne et écrit à Paris. C’est le début d’une longue histoire que la narratrice – et le lecteur donc ! – tâtonne à nommer.

S’agit-il d’une histoire d’amitié ? de séduction ? d’intimité ? d’amour ? de complicité intellectuelle ? Probablement un peu de tout cela et, parfois, leur histoire est entachée par l’agacement, l’impatience, le dégoût – trop vieux, trop jeune. Entre New York et Paris, leur histoire progresse et mûrit durant une vingtaine d’années et ne prendra fin qu’à la mort de Serge Doubrovsky, en 2017, à un âge vénérable. Leurs liens sont forts et semblent osciller sans cesse entre amitié, amour, admiration, sans jamais se définir. Mais cette ambivalence est remplie de respiration et de respect. Cécile Balavoine apprend à connaître l’homme, elle qui a lu ses ouvrages et des articles écrits sur lui. Elle se défait de sa connaissance académique et journalistique pour entrer dans la chair de l’homme.

Le texte est tellement sincère et pudique que j’ai aimé avancer à petit pas dans ma lecture, m’arrêtant sur certains mots, à certains passages pour réfléchir à ce qui fonde une relation durable, aimante et respectueuse, sans mièvrerie. Cécile Balavoine maîtrise son récit d’autofiction avec un grand doigté et multiplie les clins d’œil complices envers l’œuvre de Serge Doubrovsky. Comment aurait-elle pu choisir un autre genre littéraire pour raconter leur histoire, lui qui est l’inventeur du terme « autofiction » avec son ouvrage Le fils (paru en 1977) ? Lui qui est aussi l’auteur de l’autofiction Un homme de passage (2011). J’ai été touchée par le passage où Serge fait lire à Cécile les quelques pages qu’il lui consacre dans son prochain ouvrage. Elle se découvre dans l’autofiction du maître du genre et par petites touches, on découvre comment Serge a vécu sa relation avec Cécile, ou plutôt comment il en choisit des extraits pour la mettre en scène. Il nous montre toute la créativité de ce genre littéraire.

En fermant le livre, je me suis dit que leur relation chaste et ambivalente était celle d’une grande rencontre entre un homme et une femme. Et c’est magnifique !

Une fille de passage, de Cécile Balavoine, Mercure de France, 2020.

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