

Dans ce récit autobiographique, Erwan Desplanques raconte l’histoire de son père atteint d’un cancer incurable, en faisant des incursions dans le passé pour nous faire saisir toute la profondeur d’une vie. Vie d’homme, vie de couple, vie familiale. Par petites touches, l’auteur nous ouvre la porte sur des scènes de vie d’une famille nucléaire (les parents et leurs deux fils), en l’apparence bien classique, mais qui se révèle tout à fait fantasque aussi ! C’est comme si sa famille incarnait l’ordinaire d’une famille de province, mais quand on pénètre dans leur intimité, les apparences prennent une autre tournure. Et c’est très touchant ! Le père est un passionné des États-Unis et une fervent promoteur de l’amitié franco-américaine : il vit l’Amérique dans ses tripes et sur sa peau (blouson Carmel California, veste militaire…). La mère, enseignante, qui paraît un brin excentrique et excitée (elle jette des assiettes à la figure de son mari, divorce, se remarie avec lui !) et plus elle vieillit, plus elle semble à côté de ses pompes.
Et dans cette routine, Erwan Desplanques et son frère, qui incarnent les gentils garçons. On partage volontiers les préoccupations de l’auteur sur la maladie de son père, sur les états d’âme de sa mère, la lourdeur de voir ses parents pleurer, diminuer, vieillir. Et même l’étincelle de vie qui jaillit – sa femme est enceinte – n’allume pas cette tranche de vie qui nous amène à repenser la nôtre et les priorités qu’on a bien voulu y mettre.
Le médecin lui avait demandé s’il avait peur de la mort. Il avait répondu non – évidemment. La réplique lui ressemblait tant qu’elle nous avait fait rire. Il ne fallait pas l’emmerder avec les sentiments. Son émotion, ses craintes, nous devions les deviner sans trop y projeter les nôtres.
Ce roman se lit tout seul et je l’ai lu presque d’un trait en quelques heures (j’exagère… en trois soirées !). Le style d’Erwan Desplanques est simple, concis, fluide. Il aborde des thèmes graves et tristes, mais avec un ton presque pince-sans-rire, il nous livre des scènes cocasses, même dans les moments les plus tragiques. Par exemple, le thanatopracteur qui vient s’occuper du corps de son père et qui se barricade de peur que la famille lui vole ses techniques professionnelles ! Le lecteur ouvre grands les yeux et dessine un sourire sur ses lèvres.
L’Amérique derrière moi est une histoire touchante, un brin pittoresque (comme dans toutes les familles, il y a une dose de farfelu), comme si on la partageait avec un bon ami que l’on accompagne dans sa transition : il perd son père, il devient père, il choisit de changer de cadre de vie et de déménager de Paris et de laisser son métier de journaliste (chez Télérama). Une histoire qui ressemble beaucoup à celle d’une génération qui entame la fin de sa trentaine.
L’Amérique derrière moi, d’Erwan Desplanques, Éditions de l’Olivier, 2019.