Mes lectures

Syngué sabor. Pierre de patience, de Atiq Rahimi

syngué sabour n.f. (du perse syngue « pierre », et sabour « patiente »). Pierre de patience. Dans la mythologie perse, il s’agit d’une pierre magique que l’on pose devant soi pour déverser sur
elle ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères… On lui confie tout ce que l’on n’ose pas
révéler aux autres… Et la pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les mots, tous les secrets
jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate… Et ce jour-là on est délivré.

Quelque part en Afghanistan ou ailleurs. Une femme récite des prières au chevet de son mari qui a reçu une balle dans la nuque et qui, on ne sait par quel miracle, continue de respirer. Au loin, des bruits de mitraillette, des cris, des pas lourds dans le couloir. La femme se lamente et prie. Sa belle-famille l’a abandonnée en fuyant la ville. Elle reste au chevet de son mari et lui parle, lui confie ses secrets. Peu à peu, elle lui exprime toute sa colère et sa frustration d’avoir été mariée à un homme qu’elle ne connaissait pas, absent même le jour de son mariage. Un homme parti combattre durant deux années, et revenu enfin, qui l’ignore, qui la frappe. Pourtant, elle l’aimait, elle voulait le rendre heureux. Aujourd’hui, elle reste à son chevet, le protège de l’extérieur, devient folle de solitude. Cette femme, bâillonnée, muselée durant tant d’années, a enfin droit à la parole. Elle peut exister.

Elle lui raconte qui elle est elle, comme femme, comme être humain, dans ses désirs, dans ses attentes. Elle lui dévoile ce qu’elle a été obligée de faire pour concevoir un enfant. Elle lui dit le harcèlement de sa belle-mère mais aussi la tendresse éprouvée pour son beau-père qui tenait des paroles sages. En se confessant à son mari, elle se livre à sa syngué sabor jusqu’à ce que la pierre explose.

J’ai lu d’une traite, le souffle retenu, ce court roman ou plutôt ce long monologue. L’écriture a quelque chose de théâtral, ce qui m’a permis de prendre de la distance face au récit bouleversant par ce qu’il témoigne de la condition des femmes et de la libération par la parole. Prix Goncourt 2008, Syngué sabour est l’une des lectures les plus marquantes que j’ai faite ces derniers mois.

Syngué sabour. Pierre de patience, de Atiq Rahimi, P.O.L., 2008.

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